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Des élections sans la réforme constitutionnelle = instabilité, ingouvernabilité

Par Pierre-Raymond DUMAS

L’un des plus vibrants messages testamentaires de Me Monferrier Dorval qui a toujours prêché le dialogue et le consensus concerne la réforme constitutionnelle à concrétiser impérativement mais dans un climat apaisé, en toute sérénité. Dans l’émission sur Magik 9 que j’ai eue le jeudi 27 août dernier avec mon confrère Robenson Geffrard, j’ai très clairement indiqué – comme le fera le lendemain Me Monferrier Dorval sur la même station – qu’il n’est pas souhaitable d’organiser des élections générales sans avoir procédé préalablement à la réforme constitutionnelle afin, entre autres, d’éliminer le budgétivore poste de Premier ministre qui constitue le principal facteur de marchandage, de transactions malsaines et de corruption du système politique déséquilibré inhérent à la Constitution de 1987. De prime abord souhaité par tous et en soi certainement fort louable, le régime semi-parlementaire semi- présidentiel vient assez curieusement torpiller la base même de l’idéal démocratique. Celui-ci crée en effet de larges comportements et actions qui, malheureusement ensuite, deviennent facilement la proie du « partage des postes » le plus éculé. Cette position tranchée, dictée par l’analyse critique de l’évolution politique nationale de ces trente dernières années et par la volonté de mettre fin aux dérives et exactions propres à ce « parlementarisme- à mort » – pour reprendre la terrifiante mais exacte expression du professeur Willem Roméus –, je la partage donc entièrement avec Me Monferrier Dorval, sans réserve aucune. La force de pensée de Me Monferrier Dorval avec qui j’ai toujours eu des échanges fructueux est justement d’intégrer sa combativité constructive dans une logique éminemment chavirante, pleine de vivacité. La faillite collective tant dénoncée par les uns et par les autres serait donc pour lui « la réussite » des partis politiques qui, d’après lui, n’ont aucune idéologie et de leurs associés du secteur privé, qui concentrent et détournent les pouvoirs à des fins lucratives au détriment du bien commun, du reste (majoritaire) du pays, des couches les plus démunies.

La réforme constitutionnelle pour laquelle l’opposition conteste toute légitimité au pouvoir doit donc nous permettre de redéfinir en profondeur notre régime politique qui, depuis 1987, n’a produit que crises en tous genres et instabilité, affaiblissement de l’autorité de l’État et corruption systématique au plus haut sommet de l’administration publique, disqualification de l’appareil diplomatique et dépérissement des structures judiciaires et répressives gangrenées par toutes sortes de transactions et trafics illicites. Tout cela peut se résumer en un seul mot : instabilité pour certains (René Préval, Réginald Boulos, etc.), ou ingouvernabilité pour d’autres (Mirlande Hyppolite Manigat, Carry Hector, Jovenel Moïse, Monferrier Dorval, etc.). Même si les vieux démons de la violence dévastatrice, de l’intransigeance et de l’intolérance sont à l’œuvre, il ne faut pas seulement partager la position de Me Monferrier Dorval, fondée en plus sur une vision patriotique incontestable, il faut aussi et surtout se battre courageusement pour faire émerger un nouvel ordre étatique et sociétal en élaborant de façon inclusive et consensuelle une Constitution qui, tout en rétablissant l’équilibre fonctionnel et non conflictuel des trois Pouvoirs, aura aussi pour fondements la décentralisation, la justice sociale, la croissance économique, etc. Alors que la réforme constitutionnelle et l’organisation des élections générales devraient être réalisées dans le cadre d’un compromis inclusif, les tensions entre l’équipe au pouvoir et les autres groupes politiques semblent prendre le dessus dans les débats. Comme si les passions, le manichéisme clanique et la politique du pire sont devenus plus déterminants que la seule conscience nationale. Comment alors avancer pacifiquement ? Pour y arriver, il nous faut des esprits élevés et absolument convaincus comme Me Monferrier Dorval qui, comme nous le savons, ne sont pas légion en ces temps malfaisants où la cupidité, le crime organisé et la médiocrité prévalent sur la compétence, l’honnêteté, l’esprit de dialogue, la recherche du bien commun … Dans ce pays corrompu et archaïque qui, comme il l’a répété, « n’est ni administré ni gouverné », sa franchise bondissante dérangeait, son goût de l’excellence exaspérait les médiocres et les soudards, son amour incompressible du pays fascinait en tant que vecteur de cette renaissance nationale tant attendue.

La stratégie de la table rase – beaucoup plus que l’organisation d’élections contestées – ne devrait pas être un projet politique. C’est pourtant cette perspective funeste qui menace l’avenir de notre société à chaque fin de mandat présidentiel. En plaidant pour un nécessaire changement constitutionnel, la démarche de Me Monferrier Dorval, membre d’aucun parti politique, réside dans son approche explicative, quasi-pédagogique des enjeux qui ont une importance vitale. Peut-on réellement échapper à l’aggravation de la situation générale du pays, à l’ingouvernabilité, à l’appauvrissement continu avec la même Constitution ? Avec le président Jovenel Moïse dont le mandat, laminé par de perpétuelles manifestations et confrontations, touche à sa fin ? N’est-ce pas difficile, quasi-impossible puisque l’organisation des élections est en elle-même un sujet de controverse houleuse, un irritant. Autre limite de la réforme constitutionnelle en cette fin de mandat controversé : la contradiction qu’elle entretient, du point de vue de la temporalité, avec les préparatifs explosifs des élections dans un pays si clivé et ruiné, sans organisme électoral permanent, sans accord entre les parties, sans climat de sécurité approprié, etc.

Quel scénario, alors, pour sortir de l’instabilité permanente ? Ce qui est raisonnable dans ces circonstances incertaines et explosives, c’est le dialogue pour arriver à un consensus édifiant. C’est exactement ce que Me Monferrier Dorval, avec sa volubilité insatiable, a toujours demandé aux responsables et aux acteurs en lutte pour sortir de cette multicrise inédite qui, sans solution nationale concertée, débouchera in fine comme à l’accoutumée sur l’ingérence (faussement arbitrale) internationale. C’est ce scénario que nous avons connu en 1990 (Prosper Avril), 1994 (Emile Jonassaint), 2004 (Jean-Bertrand Aristide). Des secteurs organisés et des personnalités éclairées devraient se nourrir de la pensée de Me Monferrier Dorval qui pensait à juste titre que la communauté internationale ne doit pas décider à notre place pour formuler et promouvoir une sortie de crise en dehors du cycle infernal et manichéen des confrontations et des folles passions de fin de mandat.

Pierre-Raymond DUMAS

Source: https://lenouvelliste.com/article/220539/des-elections-sans-la-reforme-constitutionnelle-instabilite-ingouvernabilite

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