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L’homosexualité n’est pas reconnue, l’orientation sexuelle n’est pas définie, mais les crimes qui y sont liés plus fortement punis

Depuis sa publication par décret dans Le Moniteur du 24 juin 2020, le code pénal a suscité de vives réactions de la part de divers secteurs de la société haïtienne. Qu’il s’agisse de l’Église catholique, des églises protestantes, de partis politiques, tous ont crié haro sur ce code pénal. Au coeur de la polémique, entre autres, des dispositions portant sur l’orientation sexuelle qui, disent-ils, consacrent la reconnaissance du mariage homosexuel et contreviennent à nos moeurs et à notre culture. Cependant dans ce nouveau code pénal, le terme homosexualité n’apparaît nulle part, le concept d’orientation sexuelle n’est pas définie, mais les attitudes discriminatoires qui portent sur l’orientation sexuelle ainsi que les infractions liées à celle-ci sont néanmoins plus fortement punies. 

La question de l’homosexualité est revenue au coeur des débats dans la société haïtienne depuis la publication du nouveau code pénal qui entrera en vigueur dans deux (2) ans.  Certains accusent l’exécutif de légaliser l’homosexualité ou encore de procéder à la  légalisation du mariage pour tous à travers ce texte.

Cependant, le code civil haïtien, qui date de 1825, ne prévoit jusqu’à présent que le mariage entre un homme et une femme. D’ailleurs, historiquement, le législateur haïtien est demeuré muet sur la question des pratiques homosexuelles si bien qu’aucun texte de notre corpus juridique n’a porté sur ces dernières. En 2017, une proposition de loi portant renforcement des dispositions du code civil relatives au mariage et à la protection de la famille a tenté d’interdire le mariage entre personnes de même sexe, ainsi que toute promotion de l’homosexualité dans l’ensemble du pays. Cette proposition de loi, qui ne comportait que sept articles, visait à punir, entre autres, “ toute tentative de célébration d’un mariage entre deux personnes de même sexe, tout acquiescement à un tel acte.” Ainsi, toute promotion, sous quelque forme et par quelque moyen que ce soient, constituait un délit d’outrage aux bonnes mœurs et à la pudeur publique et était passible d’un emprisonnement de trois ans et d’une amende de 500 000 gourdes. Votée par le Sénat en août 2017, cette proposition n’a pas eu l’aval de la Chambre des députés et, en conséquence, cette tentative de légifération avait échoué.

L’orientation sexuelle, circonstance aggravante des infractions pénales 

Avec ce code pénal publié par décret il y a un mois, c’est donc l’une des premières fois que le concept d’orientation sexuelle rentre dans la législation nationale. Sous l’égide de l’ancien code pénal, les infractions commises en raison de l’orientation sexuelle des victimes ne constituaient point un facteur d’aggravation de la peine. D’ailleurs, ce concept n’était même pas pris en compte. Certes, l’article 276-2 de notre Constitution prévoit que “les traités ou accords internationaux, une fois sanctionnés et ratifiés dans les formes prévues par la Constitution, font partie de la législation du pays et abrogent toutes les lois en vigueur qui leur sont contraires,” mais il faut noter “qu’aucun des principaux instruments relatifs aux droits de l’homme n’inclut expressément les motifs SOGIESC (Orientation sexuelle, identité et expression de genre et caractéristiques sexuelles)  ni ne définit le motif du sexe. S’il est généralement admis que le droit international des droits de l’homme s’applique aux personnes victimes de discrimination fondée sur les SOGIESC, cette application ne se fonde que sur l’interprétation par les organes de traités du motif du sexe et sur l’inclusion de certains des motifs relatifs à l’orientation sexuelle, l’identité et l’expression de genre et les caractéristiques sexuelles dans les dispositions concernant une « toute autre situation», contenues dans la Déclaration universelle des droits de l’homme, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

Certes, l’introduction de la notion d’orientation sexuelle en tant que facteur de discrimination au sein du droit international s’est faite grâce au travail d’une pluralité d’acteurs militant tout au long de la seconde moitié du XXe siècle pour l’inclusion des droits sexuels au sein des droits fondamentaux mais cette notion demeure quand même contestée et soulève beaucoup de controverses. Malgré les progrès, un consensus au sein de la communauté internationale sur ces questions peine à être trouvé, “l’universalisme des droits de l’homme est une fois de plus confronté à un relativisme exigeant la préservation du droit international dans sa forme originelle et refusant toutes additions allant à l’encontre du droit régional ou national des États membres réfractaires.”

Quand on tient compte que la question du droit à l’orientation sexuelle divise les Nations unies, on comprend donc pourquoi, sur le sol national aussi, l’introduction du terme “orientation sexuelle” dans la législation pénale a suscité des vagues.

Sans donner de définition du concept d’orientation sexuelle, le nouveau code pénal, à l’article 208, pose comme condition générale que  “dans les cas prévus par la loi, les peines encourues pour un crime ou un délit sont aggravées lorsque l’infraction est commise en raison de l’orientation sexuelle de la victime. La circonstance aggravante définie au premier alinéa est constituée lorsque l’infraction est précédée, accompagnée ou suivie de propos, écrits, images, objets ou actes de toute nature portant atteinte à l’honneur ou à la considération de la victime ou d’un groupe de personnes dont fait partie la victime en raison de leur orientation sexuelle vraie ou supposée.”

Le législateur a choisi de reprendre cette disposition générale, qui aurait à elle-même suffi au niveau de la plupart des infractions, si bien que plusieurs dispositions du code font mention de l’orientation sexuelle comme une des circonstances aggravantes des infractions. Ainsi nous avons :

Meurtre, torture et orientation sexuelle

Dans l’article 248 “, le meurtre est puni de la réclusion criminelle à perpétuité lorsqu’il est commis en raison de l’orientation sexuelle de la victime” alors que sans ce facteur d’aggravation “, le fait de donner la mort à autrui serait passible de dix (10) à vingt ans de réclusion criminelle.

Selon l’article 262 “, le fait de soumettre une personne à des tortures ou à des actes de barbarie est passible de quinze (15) ans à vingt (20) ans de réclusion criminelle”. Cette infraction, selon l’article 265, “est passible de vingt (20) ans à vingt-cinq (25) ans de réclusion criminelle lorsqu’elle est commise en raison de l’orientation sexuelle de la victime.

Violences et orientation sexuelle 

Selon l’article 276, “ les violences ayant entraîné une incapacité totale de travail pendant plus de huit (8) jours sont passibles d’un emprisonnement de six (6) mois à un (1) an et d’une amende de 25 000 à 50 000 gourdes. Elles seront “passibles d’un emprisonnement d’un (1) an à trois (3) ans et d’une amende de 25 000 à 50 000 gourdes lorsqu’elle est commise en raison de l’orientation sexuelle de la victime” (article 277 NCP). Cependant, “les violences ayant entraîné une incapacité de travail inférieure ou égale à huit (8) jours, ou n’ayant entraîné aucune incapacité de travail sont passibles d’un emprisonnement de trois (3) mois à six (6) mois et d’une amende de 10 000 gourdes à 25 000 gourdes lorsqu’elles sont commises en raison de l’orientation sexuelle de la victime” (article 278 NCP).

Agressions sexuelles et orientation sexuelle

D’après l’article 297, “le viol est passible de dix (10) à quinze (15) ans de réclusion criminelle.” Il est passible de 15 an à 20 ans de réclusion criminelle quand il est commise en raison de l’orientation sexuelle de la victime”  (article 298 NCP). L’article 306 prévoit que les agressions sexuelles autres que le viol sont passibles d’un emprisonnement de cinq (5) à sept (7) ans et d’une amende de 50 000 à 100 000 gourdes lorsqu’elles sont commises (… ) en raison de l’orientation sexuelle de la victime.

Diffamation et orientation sexuelle 

La diffamation commise envers les particuliers, soit par discours, cris ou menaces proférés dans des lieux ou réunions publics, soit par des écrits, imprimés, dessins, gravures, peintures, emblèmes, images ou tout autre support de l’écrit, de la parole ou de l’image, vendus ou distribués, mis en vente ou exposés dans des lieux ou réunions publics, soit par des placards ou des affiches exposés au regard du public, soit par tout moyen de communication au public par voie électronique, est passible d’un emprisonnement de un (1) an à trois (3) ans et d’une amende de 25 000 à 50 000 gourdes (article 430 NCP). La diffamation sera passible d’un emprisonnement de deux (2) à trois (3) ans et d’une amende de 50 000 à 100 000 gourdes si elle est commise en raison de l’orientation sexuelle de la victime.

La diffamation non publique, de même que l’injure non publique,  commise envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur orientation sexuelle est une contravention de quatrième classe qui expose le coupable à une amende d’un montant de 400 à 4000 gourdes (article 970 et suivants NCP).

Atteinte aux droits de la personne résultant des fichiers ou traitements informatiques et orientation sexuelle

S’agissant de l’atteinte aux droits de la personne résultant des fichiers ou des traitements informatiques, l’article 438 prévoit que sont passibles d’un emprisonnement de deux (2) à trois (3) ans et d’une amende de 50 000 à 100 000 gourdes: Le fait de mettre ou de conserver en mémoire informatisée, hors les cas prévus par la loi et sans le consentement exprès de la personne intéressée, des données à caractère personnel qui, directement ou indirectement, font apparaître les origines raciales ou ethniques, les opinions politiques, philosophiques ou religieuses ou les appartenances syndicales des personnes, ou qui sont relatives à la santé ou à l’orientation sexuelle de celles-ci.”.

Vol et orientation sexuelle 

En vertu de l’article 482, “le vol est passible d’un emprisonnement de un (1) an à trois (3) ans et d’une amende de 50 000 à 100 000 gourdes, ou de l’une de ces peines.” Cependant, le législateur prévoit en l’article 489 que “le vol est passible d’un emprisonnement de deux (2) à trois (3) ans et d’une amende de 75 000 à 100 000 gourdes, ou de l’une de ces peines”, lorsqu’il est commis en raison de l’appartenance ou de la non appartenance, vraie ou supposée de la victime à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, ou de son orientation sexuelle, vraie ou supposée”.

Menace et orientation sexuelle

La menace de commettre un crime ou un délit contre les personnes dont la tentative est punissable, lorsqu’elle est soit réitérée, soit matérialisée par un écrit, une image ou tout autre objet, en raison de l’orientation sexuelle vraie ou supposée de la victime emporte, selon l’article 289, un emprisonnement de six (6) mois à un (1) an et une amende de 10 000 à 25 000 gourdes (article 289 NCP). Cette peine s’élève à un emprisonnement d’un (1) an à deux (2) ans et d’une amende de 25 000 gourdes à 50 000 gourdes pour les menaces de commettre un crime ou un délit contre les personnes commises par quelque moyen que ce soit, en raison de l’orientation sexuelle de la victime.

Extorsion et orientation sexuelle 

Conformément à l’article 512 “, l’extorsion est passible d’un emprisonnement de sept (7) à dix (10) ans et d’une amende de 100 000 à 250 000 gourdes lorsqu’elle est commise en raison de l’appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée de la victime à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, ou de son orientation sexuelle, vraie ou supposée. La peine pour l’extorsion simple consistait en un emprisonnement de cinq (5) à sept (7) ans et d’une amende de 75 000 à 200 000 gourdes.

Discrimination et orientation sexuelle 

Sous le titre des atteintes à la dignité de la personne, le chapitre V du nouveau code pénal, traite de la question des discriminations. L’article 362 offre une définition du concept de discrimination qui s’entend de : “toute distinction opérée entre les personnes physiques en raison de leur origine, de leur sexe, de leur situation de famille, de leur apparence physique, de leur patronyme, de leur état de santé, de leur handicap, de leurs caractéristiques génétiques, de leurs moeurs, de leur orientation sexuelle, de leur âge, de leurs opinions politiques, de leurs activités syndicales, de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée à une ethnie, une nation, une race, une religion déterminée.” La discrimination peut être commise à l’encontre de personnes morales aussi quand cette distinction est opérée à l’égard des membres ou de certains membres de ces personnes morales.

En ce sens, le nouveau code pénal, en son article 363, punit la discrimination commise contre une personne physique ou morale, “d’un emprisonnement d’un (1) an à trois (3) ans et d’une amende de 50 000 gourdes à 75 000 gourdes lorsqu’elle consiste: 1) à  refuser la fourniture d’un bien ou d’un service; 2º à entraver l’exercice normal d’une activité économique quelconque; 3) à refuser d’embaucher, à sanctionner ou à licencier une personne; 4) à subordonner la fourniture d’un bien ou d’un service à une condition fondée sur l’un des éléments visés à l’article 362; 5) à subordonner une offre d’emploi, une demande de stage ou une période de formation en entreprise à une condition fondée sur l’un des éléments visés à l’article 362; 6) à  exclure une personne morale des marchés publics; 7) à réaliser une campagne de publicité mensongère contre une personne morale. Lorsque le refus discriminatoire prévu au premier alinéa est commis dans un lieu accueillant du public ou aux fins d’en interdire l’accès, l’auteur est passible d’un emprisonnement de trois (3) à cinq (5) ans et d’une amende de 75 000 à 100 000 gourdes.”

Le dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, qui refuse le bénéfice d’un droit accordé par la loi ou entrave l’exercice normal d’une activité économique pour un motif discriminatoire, dont l’orientation sexuelle, dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions ou de sa mission, est passible d’un emprisonnement de un (1) an à trois (3) ans et d’une amende de 50 000 à 100 000 gourdes. (699 NCP).

Des peines supplémentaires pour les infractions liées à l’orientation sexuelle 

Par ailleurs, il faut noter, outre les amendes et les peines d’emprisonnement, l’existence de peines supplémentaires pour les infractions commises en raison de l’orientation sexuelle de la victime. Ces peines peuvent consister en une interdiction de détenir ou de porter, pour une durée déterminée, une arme soumise à l’autorisation, la confiscation d’une ou de plusieurs armes dont la personne condamnée est propriétaire ou dont elle a la libre disposition; la confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l’infraction ou de la chose qui en est le produit, le travail d’intérêt général pour une durée déterminée.

Source: https://lenouvelliste.com/article/219141/lhomosexualite-nest-pas-reconnue-lorientation-sexuelle-nest-pas-definie-mais-les-crimes-qui-y-sont-lies-plus-fortement-punis

 

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